L’histoire du BL thaï.
Les séries télévisées Boys’ Love thaïlandaises connaissent, depuis quelques années, un succès mondial, avec des précurseurs tels que 2gether, une romance entre deux étudiants masculins. Cette série, diffusée avec des sous-titres anglais sur la chaîne YouTube officielle, a atteint le sommet des tendances mondiales sur X (anciennement Twitter), un engouement amplifié par la période du COVID. Plus récemment, KinnPorsche a également connu un immense succès à l’international.
En effet, plusieurs BL series thaïlandaises bénéficient d'une popularité croissante à l’étranger, notamment grâce à leur disponibilité sur certaines plateformes de streaming ainsi que sur des chaînes satellite. Cette montée en puissance du Boys’ Love a eu des répercussions significatives non seulement sur l’économie thaïlandaise mais aussi sur son paysage socio-culturel.Ne vous souciez pas d’avoir l’air professionnel. Soyez vous-même. Il y a plus de 1,5 milliard de sites web, mais c’est votre histoire qui vous différenciera. Si, en relisant les mots, vous n’entendez pas votre propre voix dans votre tête, c’est le signe que vous avez encore du chemin à parcourir.
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A. Définition et origine du Boys’ Love (BL)
a. Définition
Le yaoi, aussi appelé Boys' Love (BL), est un genre de fiction populaire au Japon, centré sur les relations sentimentales et/ou sexuelles entre personnages masculins. Il est principalement présent dans la littérature, le manga et l’animation, mais se décline également, à moindre échelle, dans les jeux vidéo, la télévision et le cinéma. Son équivalent féminin est le yuri, qui met en scène des relations entre femmes.
Bien que traitant de relations homosexuelles masculines, le yaoi s’adresse principalement à un public féminin. Il coexiste avec le Men’s Love, un autre genre abordant également l’homosexualité masculine, mais destiné cette fois-ci à un public gay. Ces deux catégories, bien que différentes sur le plan thématique et stylistique, partagent certaines similitudes et s’influencent mutuellement. La frontière entre les deux est parfois floue, et il arrive que les genres soient confondus. De plus, certains hommes gays lisent du yaoi, tandis que certaines femmes s’intéressent au Men’s Love.
b. Origine
Dans son sens le plus large, le Boys' Love est apparu dans les années 1970 comme un sous-genre des mangas destinés aux filles (shōjo manga) et était alors appelé shōnen-ai (romances entre jeunes garçons). Ces premiers récits mettaient en avant des relations sentimentales intenses, parfois charnelles, entre de jeunes garçons.
Jusqu’alors, les mangas pour jeunes filles étaient majoritairement dessinés par des hommes. Cependant, à partir de la seconde moitié des années 1960, de jeunes dessinatrices, issues de l’après-guerre, ont commencé à émerger. Leur particularité ? Elles étaient proches en âge de leur lectorat et écrivaient les histoires qu’elles souhaitaient lire elles-mêmes. C’est dans ce contexte qu’est apparue la thématique des romances entre jeunes garçons.
Auparavant, les héroïnes des shōjo mangas étaient essentiellement des filles, mais elles étaient souvent limitées par les normes sociales de l’époque. Représenter un protagoniste masculin permettait d’explorer des trajectoires plus indépendantes et des histoires d’amour plus audacieuses. Ce fut à la fois une innovation narrative et une forme de défi artistique. Les lectrices ont accueilli avec enthousiasme ces nouvelles intrigues, marquées par des relations amoureuses fortes entre garçons.
En introduisant le shōnen-ai, des artistes comme Hagio Moto et Takemiya Keiko étaient pleinement conscientes qu’elles bousculaient les normes de leur époque. En 1970, Takemiya Keiko publie son premier shōnen-ai, La neige, une étoile, un ange, qui fut... .
Retitré plus tard « Dans la pièce ensoleillée » (Sunroom Nite), Takemiya Keiko revient sur cette période dans son autobiographie, intitulée « Il s’appelait Gilbert » (Shōnen no na wa Gilbert), où elle raconte comment elle était déterminée à révolutionner le manga pour filles.
De son côté, Hagio Moto débute en 1972 la publication de sa première série « Le Clan Poe » (Poe no Ichizoku), mettant en scène Edgar, un vampire adolescent, et Allan, attirés l’un par l’autre et liés par une quête à travers le temps. Cette œuvre est rapidement devenue un chef-d’œuvre immortel du manga shōjo. En 1974, elle publie « Le Cœur de Thomas » (publié en français aux éditions Kazé), une histoire mêlant amour et amitié dans un internat allemand pour garçons, qui marque profondément le genre.
En 1976, Takemiya Keiko commence la publication en série de son chef-d’œuvre « Le Poème du Vent et des Arbres » (Kaze to Ki no Uta). Ce manga aborde avec audace des thèmes tels que l’homosexualité, le viol et l’inceste familial à travers l’histoire du jeune Gilbert. La série fait sensation, suscitant autant d’enthousiasme que de controverses. Fujimoto Yukari explique :
« À l’époque où les séries de Hagio Moto et Takemiya Keiko rivalisaient de popularité, le magazine Bessatsu Shōjo Comics s’écoulait à plus d’un million d'exemplaires par numéro. C’était une situation unique : des jeunes femmes nées après-guerre pouvaient exprimer leurs nouvelles valeurs dans un média de masse. »
À la fin des années 1970, les histoires mettant en scène des relations entre jeunes hommes se multiplient dans plusieurs magazines. Cette tendance culmine avec l’apparition du magazine June en 1978, le premier entièrement dédié au genre.
L’essor du Yaoi et du BL
À la fin des années 1980, une nouvelle tendance voit le jour : les détournements parodiques des séries populaires, notamment Captain Tsubasa. Ces œuvres, dépourvues de logique et volontairement absurdes, sont créées pour le plaisir de représenter les personnages dans des situations décalées. C’est ainsi qu’apparaît le terme « Yaoi », une contraction de YAma-nashi, Ochi-nashi, Imi-nashi (littéralement : pas de climax, pas de chute, pas de sens). Ce terme, associé à une forte dose d’auto-dérision et d’humour, devient synonyme de mangas amateurs (dōjinshi) créés par des fans pour des fans.
Dans ces parodies, les héros masculins découvrent que leur amitié cache en réalité des désirs homosexuels refoulés. Ce trope devient un standard du genre. Avec l’énorme succès du yaoi amateur, l’industrie du manga récupère rapidement le phénomène, donnant naissance à un Boys’ Love commercial combinant les influences du shōnen-ai et du yaoi amateur.
Le BL dans les années 1990 et son industrialisation
Au début des années 1990, les maisons d’édition japonaises commencent à capitaliser sur la popularité du yaoi. Elles lancent tour à tour des magazines spécialisés en BL, commandant des séries originales aux dessinateurs populaires issus des dōjinshi (publications auto-éditées par des amateurs). C’est à cette époque que le Boys’ Love s’impose comme un genre commercial autonome, indépendant du shōjo manga dont il était issu.
B. Le Boys' Love en Thaïlande
a. Les débuts du BL en Thaïlande
Le paysage médiatique thaïlandais connaît un changement majeur en 2014, avec l’arrivée d’un nouveau phénomène culturel : l’essor des séries télévisées locales Boys’ Love (BL). L’une des premières productions marquantes est « Love Sick: The Series », une adaptation du roman de Kusolkulsiri, Š, 2014 ; Rak wun wun wairun saep, diffusée en juillet 2014 sur MCOT HD, une chaîne de télévision gratuite, est largement reconnue comme le point de départ du Boys’ Love (BL) thaïlandais. Par la suite, une augmentation constante du nombre de séries Y (wai series) a été observée entre 2014 et 2018, avec une croissance exponentielle à partir de 2019. Jusqu’en décembre 2022, plus de 172 séries BL thaïlandaises ont été produites et diffusées sur diverses plateformes médiatiques.
Si Love Sick a marqué le début de la production de séries télévisées BL en Thaïlande, c’est véritablement en 2016 avec SOTUS, produit par GMMTV et diffusé sur YouTube, que le genre connaît son premier succès régional majeur. En 2020, c’est au tour de 2gether: The Series de connaître un succès transnational inédit, propulsant le BL thaïlandais sur la scène internationale.
Un tel phénomène, à la fois régional et international, a conduit certains professionnels de l’industrie BL à devenir des acteurs clés du divertissement télévisé thaïlandais. 2gether marque une étape clé dans l'évolution du genre, notamment en retravaillant les codes du Boys’ Love pour les rendre plus accessibles à un public plus large, atteignant ainsi des audiences records.
Aujourd’hui, le BL est un genre transnational, mais en Thaïlande, il ne s’est pas contenté de s’adapter à la culture nationale : il a été redéfini, voire réinventé.
b. Le BL thaïlandais : un nouveau business lucratif
L’essor du Boys’ Love en Thaïlande s’explique par l’augmentation des investissements et la forte demande des fans, prêts à dépenser des sommes importantes pour soutenir leurs acteurs favoris. Le système de promotion des BL thaïlandais est souvent comparé à celui de la K-pop, car il repose sur la création de communautés de fans engagés autour des acteurs.
Ainsi, les acteurs BL – et en particulier les couples fictifs appelés pairings – deviennent de véritables produits marketing. Lorsqu'un pairing atteint une forte popularité à la suite du succès d’une série, il devient immédiatement un outil commercial pour les maisons de production, les agences et même les marques. Aujourd’hui, ces acteurs sont sollicités non seulement par l’industrie du divertissement, mais aussi par les grandes marques de cosmétiques, de vêtements, de produits alimentaires, et même par les maisons de luxe.
Dès qu’un pairing devient officiel, un contrat exclusif peut être signé, obligeant les deux acteurs à travailler ensemble sur plusieurs projets pendant plusieurs années. L'objectif est de renforcer leur fandom et de fidéliser leurs fans, qui sont réputés pour leur fort pouvoir d’achat. L’un des outils les plus utilisés pour entretenir cette relation avec le public est le fan service, qui consiste à créer une proximité fictive entre les acteurs et leurs fans.
Cependant, bien que les productions BL ne génèrent pas autant de revenus que les séries hétérosexuelles en Thaïlande, les producteurs et agences ont trouvé d’autres alternatives rentables. Parmi elles :
Les fan meetings, où les fans paient des sommes élevées pour rencontrer leurs acteurs préférés.
Les concerts de fin de série, organisés après la diffusion d’un drama pour prolonger l’engouement des fans.
La diffusion du dernier épisode au cinéma, créant un événement exclusif pour le public local.
Les produits dérivés et goodies, largement consommés tout au long de la diffusion de la série.
Au-delà du showbiz, la popularité croissante du Boys’ Love thaïlandais profite également à d'autres secteurs, notamment le tourisme. De nombreux fans internationaux voyagent en Thaïlande pour visiter les lieux de tournage emblématiques, participant ainsi à l’essor du tourisme BL.
C. L’impact des BL en Thaïlande
a. Les BL comme outil de soft power
Grâce à l’intérêt croissant pour les séries Boys’ Love (BL), le soft power thaïlandais s’est renforcé, entraînant une augmentation rapide des revenus liés au streaming international. Selon le Department of International Trade Promotion, les droits de diffusion des séries BL thaïlandaises, achetés par plusieurs pays asiatiques, représentaient plus de 360 millions de bahts en 2021.
En 2024, le ministre du Commerce, Phumtham Wechayachai, a déclaré que son ministère ciblait un marché international fidèle aux BL thaïlandais et doté d’un fort pouvoir d’achat. Il a ajouté que cette initiative s’inscrivait dans une stratégie visant à trouver de nouveaux débouchés pour les produits thaïlandais. Phumtham, également vice-Premier ministre, a annoncé le lancement du plan le 31 janvier, sans toutefois donner plus de détails.
Membre influent du parti Pheu Thai, Phumtham a souligné que les films et dramas thaïlandais du genre BL bénéficiaient d’un vaste public international. Il a mis en avant le fait qu’un grand nombre de fans étrangers participaient régulièrement aux événements réunissant les acteurs populaires des séries BL en Thaïlande.
Le ministre s’est exprimé lors de l’événement "Thailand 2024: The Great Challenges", tenu à l’hôtel Pullman Bangkok King Power. À cette occasion, il a déclaré que le Ministère du Commerce collaborait avec un groupe d’influenceurs chinois pour stimuler la demande de produits thaïlandais en Chine. Il a précisé que son ministère était sur le point de conclure un accord avec 30 à 40 influenceurs chinois de premier plan, dont l’un comptait à lui seul jusqu’à 300 millions d’abonnés.
Selon cette stratégie, ces influenceurs chinois aideront à promouvoir et vendre des produits thaïlandais lors de leurs diffusions en direct, ciblant ainsi directement leurs abonnés.
En parallèle, Phumtham Wechayachai a annoncé un partenariat entre le ministère du Commerce et "Be On Cloud", une société de renommée mondiale connue pour la production de séries BL populaires. Cette collaboration vise à promouvoir les produits et services thaïlandais sur le marché international.
Lors de la conférence de presse, il a été révélé qu’une nouvelle série BL intitulée "Shine" serait produite en partenariat avec Be On Cloud pour les marchés nationaux et internationaux. Selon Phumtham, BOC intégrera des produits et aliments thaïlandais dans la série, à l’image des dramas coréens qui promeuvent la culture et la gastronomie coréennes.
« Nous espérons susciter l’intérêt des téléspectateurs pour essayer les produits qu’ils voient dans la série. Cela pourrait également contribuer à redistribuer les revenus au sein de la communauté locale. De plus, les fans pourraient être incités à visiter les lieux de tournage, de la même manière que les Thaïlandais voyagent pour explorer les endroits présentés dans les dramas coréens. »
b. Les droits LGBTQ+ poussés par les BL
En Thaïlande, la culture BL s’est développée de manière originale et unique, entraînant des changements significatifs dans le paysage sociétal du pays, notamment en ce qui concerne l’acceptation et la visibilité de la communauté LGBTQ+.
Grâce à leur grande diversité et leur large diffusion, les séries BL jouent un rôle clé en favorisant un dialogue entre les fans féminines et les communautés LGBTQ+ réelles. Elles participent ainsi à une évolution des mentalités, aidant à déconstruire certains préjugés et à renforcer l’acceptation sociale des identités LGBTQ+ en Thaïlande.
Un large mouvement a émergé en Thaïlande en faveur de la reconnaissance légale des couples homosexuels. En juillet 2020, une proposition de loi sur un "partenariat citoyen" a été soumise au gouvernement, visant à accorder aux couples homosexuels le droit d’adoption ainsi que la possibilité de transmettre un patrimoine à leur partenaire.
Le 27 mars 2024, les députés thaïlandais ont voté en faveur de la légalisation du mariage entre personnes de même sexe. Il s’agit d’une première en Asie du Sud-Est. Cependant, le texte doit encore être validé par le Sénat avant sa promulgation définitive par le roi. La procédure pourrait encore prendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois.
« Aujourd’hui, la Thaïlande a fait un pas de plus vers l’égalité entre les personnes. »
Si cette loi est adoptée, la Thaïlande deviendra le premier pays d’Asie du Sud-Est à reconnaître le mariage homosexuel, et le troisième en Asie, après Taïwan et le Népal.
La proposition adoptée par les députés prévoit la modification des termes genrés dans la loi sur le mariage, remplaçant les références aux "hommes", "femmes", "maris" et "épouses" par des expressions neutres et inclusives. Elle accorde également aux couples de même sexe des droits égaux en matière d’adoption et d’héritage.
Conclusion
Bien que le Boys’ Love (BL) trouve ses origines au Japon, la Thaïlande a su se démarquer en réinventant et adaptant le genre à sa propre culture. Aujourd’hui, les séries BL thaïlandaises ne sont plus une sous-culture, mais un courant dominant du divertissement. Avec l’essor de l’industrie BL et la reconnaissance croissante des droits LGBTQ+, la Thaïlande est en passe de devenir le centre mondial du genre dans les années à venir.
Article de Sarrah M.
Sources utilisées pour cet article
Voici les principales sources ayant servi à l’élaboration de cet article sur l’industrie du Boys’ Love (BL) en Thaïlande, son impact socio-économique et son influence culturelle.
Une étude académique explorant le profil socio-démographique, les modes de vie et la fréquence de consommation des séries BL thaïlandaises, apportant des données précieuses sur leur audience et leur popularité croissante.
Nation Thailand – L’essor des séries BL en Thaïlande
Un article qui met en lumière la montée en puissance du Boys’ Love en Thaïlande et son rôle clé dans l’expansion du soft power culturel du pays.
Cet article détaille comment le gouvernement thaïlandais exploite la popularité des dramas BL pour promouvoir les produits et services thaïlandais à l’international.
Le Monde – La Thaïlande sur le point de légaliser le mariage homosexuel
Un article qui retrace les avancées législatives en faveur du mariage homosexuel en Thaïlande, un tournant majeur pour les droits LGBTQ+ dans le pays.
Thai PBS World – Les séries BL ont renforcé le soft power thaïlandais
Une analyse approfondie du rôle des séries BL thaïlandaises dans la stratégie de soft power du pays et leur impact sur l’économie et le tourisme.
Nation Thailand – L’industrie BL et son impact sur le divertissement en Thaïlande
Cet article examine comment les séries BL sont devenues un phénomène culturel et commercial en Thaïlande, avec une influence croissante sur le marché du divertissement.
Wikipedia – Yaoi et Boys’ Love
Une ressource détaillée sur l’histoire du yaoi, ses origines au Japon, et son évolution en tant que genre populaire à l’échelle mondiale.
Nippon.com – Le yaoi, entre fantasme et business
Une analyse approfondie du yaoi et de son évolution en un phénomène économique et culturel au Japon et à l’international.
Ces sources fournissent un aperçu complet de l’industrie du Boys’ Love, de son histoire, de son expansion en Thaïlande, de son impact économique, ainsi que de son rôle dans l’évolution des mentalités et des droits LGBTQ+.